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Le Slow sous toutes ses coutures embarque à la Pop

Thomas Guillaud-Bataille et Maya Boquet mettent en commun leurs terrains de recherche et d’expérimentation, la radio pour l’un, le théâtre pour l’autre, les ondes et le plateau, pour explorer, ensemble, un sujet à forte connotation sentimentale : le slow.

A eux deux et à quatre mains, Thomas Guillaud-Bataille et Maya Boquet attrapent le slow par tous ses pores, sociologique, historique, individuel et collectif, affectif aussi, empruntant à une myriade de documents d’archives passionnants et pertinents (sonores, visuels et audiovisuels, littéraire aussi) et d’interviews d’experts ou d’anonymes, leur matière diffractée, intime, mémorielle ou réflexive, anecdotique, générationnelle. Le résultat est une traversée auditive et physique de cette danse à part, non classifiée, phénomène social assimilé à la jeunesse, ne répondant à aucun critère de performance, aucun cahier des charges en terme de gestuelle, mise à part la proximité des deux danseurs, la lenteur, l’enlacement (plus ou moins selon les circonstances et la connivence) et le mouvement giratoire. Le slow est la danse la moins spectaculaire qui soit en apparence mais en apparence seulement. Car celles-ci sont trompeuses. Que dire du coeur qui s’emballe à l’intérieur ? De l’attente intense du moment tant espéré ou fatidique et de "l’hyperactivité sensorielle et cérébrale" qui se met en branle à son arrivée ? Le slow n’est pas un, il est multiple. Slow-salut quand celui qui vous plait par-dessus tout vous propose de danser, slow en apnée quand votre partenaire n’a pas les mêmes intentions que vous, slow-sacerdoce quand votre meilleure amie danse avec l’élu de votre désir, slow-plante verte quand personne ne vous a invitée et que vous êtes condamnée à regarder les autres s’enlacer sous vos yeux esseulés. Le slow, cette galère, et pourtant. Qui a oublié les frémissements de la peau dans la proximité de l’autre, les premiers émois adolescents, le trouble, le malaise, et l’abandon, le soupir d’aise, la parenthèse qu’on ne voudrait jamais refermer ? Qui n’a pas un slow mythique de sa propre vie caché dans les recoins de ses souvenirs ? Chaque slow est un jardin secret niché dans la tête de chacun des danseurs.

Et c’est toute cette galaxie liée à l’imaginaire du slow, ses connotations, ses vibrations, ses émotions, que Thomas Guillaud-Bataille a eu envie de défricher, avec son outil de prédilection, le son. Car le slow c’est aussi la musique, bien sûr, toute une constellation de tubes qui ont jalonné notre jeunesse évaporée, des nappes de synthé, les envolées lyriques de Scorpions, la séquence culte de "La Boum", et des paroles sirupeuses à souhait, des mots d’amour que jamais au grand jamais on aurait osé prononcer. Et Maya Boquet se joint à notre bricoleur de bruits et capteur de sons, enquêteur au coeur tendre, pour insuffler une théâtralité à cette matière documentaire et documentée, constituée d’interviews récentes autant que d’archives sonores datées. On navigue ainsi à vue d’une époque à une autre, sans souci de chronologie mais plutôt dans des juxtapositions jubilatoires, des enchaînements rebondissants, on passe sans complexe d’une danse ondulatoire sur Rage against the Machine au timbre lascif et languissant d’Ann Sorel dans “L’Amour à plusieurs”, chanson érotisante habillée de violons sacrément gainsbouriens. Un extrait du roman “Les Années” d’Annie Ernaux côtoie aisément une démonstration de Slow Foxtrot, ancêtre putatif du slow ou une évocation de l’émission de télévision américaine née dans les années 50, “American Bandstand”, qui se terminait systématiquement par une séquence de slow dance.

C’est joyeux, instructif, léger et nostalgique. Le dispositif tri-frontal fait du plateau une piste de danse, qui, comme dans le film d’Ettore Scola, “Le Bal”, s’inscrit dans une pluralité d’époques, effeuillant avec malice les années 30, 50, 90. Le spectacle, couronné de la fameuse boule à facettes réglementaire, est porté par deux comédiens, Benoît Randaxhe et Véronique Ruggia Saura, tour à tour, acteurs, narrateurs, musiciens, danseurs, égéries éphémères de cet hommage étoilé au slow, rituel à la dérive, soumis à une baisse de popularité auprès des jeunes actuels, une perte de vitesse à déplorer. Pour se consoler, qui danse un dernier slow ?

Rendez-vous à la Pop du 28 au 30 mars et pour en savoir plus sur le lieu c'est par ici >>

Par Marie Plantin

L’Age du Slow

Les 28, 29 et 30 mars 2018
A la Pop
Péniche amarrée face au 34 Quai de Loire
75019 Paris

Les 7 et 8 décembre 2018, 19h
Au Grand Parquet
35 Rue d'Aubervilliers
75018 Paris
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