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Désobéir pour ne pas mourir à petit feu, quatre ados brûlent les planches

Sous la houlette de Julie Berès, quatre ados de banlieue issues de l’immigration s’emparent du plateau par la parole et la danse, dopées à la fougue de la jeunesse autant qu’à l’envie d’en découdre avec toute forme de stigmatisation réductrice, et c’est un bain de jouvence, d’intelligence et d’énergie communicative !
Faire de la désobéissance, de la parole non lissée, du coup de pied dans les préjugés, de l’indiscipline de la pensée, du corps révolté, le terreau pour regarder autrement la société, l’époque, sa complexité intrinsèque, ses contradictions, sa jeunesse souvent tue ou trop facilement étiquetée. “Désobéir”, ce spectacle est né d’une autre manière de pratiquer le théâtre, impulsée par les commandes régulières de Marie-José Malis à la tête de la Commune, CDN d’Aubervilliers, intitulées “Pièces d’Actualité”, nourries par la volonté de rompre avec l’entre-soi du théâtre, de s’inscrire dans le territoire, d’aller à la rencontre des gens du coin, d’ici, des voisins, pour générer une création ancrée, connectée à la réalité mitoyenne, juste là, de l’autre côté des portes du théâtre. Que le théâtre ne soit pas une forteresse imprenable, que l’institution ne laisse pas la moitié de la population sur le carreau, que nos plateaux soient des lieux où le monde se partage, que nos utopies ne soient plus seulement dans nos têtes mais dans nos tentatives concrètes.

C’est ainsi que Julie Berès, forte de cette proposition aux airs de mission, a choisi de se tourner vers des jeunes femmes issues de l’immigration, première génération, deuxième génération, troisième génération, et d’engager le dialogue, d’écouter, de recueillir confidences, témoignages, expériences, coups de gueule et confessions, doutes et contradictions, mettant en jeu famille, religion, amour, rapport au monde et réseaux sociaux, couleur de peau et rôles assignés. Des paroles sans fard, brutes de décoffrage, des souvenirs, des anecdotes, qui viennent dessiner des portraits complexes, multi-facettes, tracer des chemins de vie tortueux, des histoires douloureuses mais jamais plombantes, et surtout faire éclore des personnalités de femmes puissantes à l’orée de leur vie d’adulte, des femmes intelligentes, en pleine possession de leurs moyens, pleinement aptes à faire des choix par elles-mêmes, à s’emparer de leur propre destin. Le plateau devient la tribune de leur impertinence, l’exutoire de leurs incompréhensions, le tremplin pour leur élans de rébellion, la piste de danse pour exprimer leur énergie ravageuse, leur joie d’être là, leur force à la fois personnelle et collective.

Les quatre interprètes, Lou-Adriana Bouziouane, Charmine Fariborzi, Hatice Ozer, Séphora Pondi, sont toutes formidables, drôles, effrontées, culottées, explosives, elles portent haut et fort ces monologues passés par le montage et le réagencement d’Alice Zeniter et Kevin Keiss, soucieux de garder leur verve, leur gouaille, la parole dans son jus, pour ne pas trahir ce qui fait la moelle de ces filles-là, leur liberté d’expression, autorisée par ce plateau-monde où tout est permis, même parler cul en public. Car ici les tabous, qu’ils soient liés au sexe ou religieux, volent en éclat. Ce qui importe c’est de dire sa vérité, toute nue, toute crue, de ne pas l’édulcorer, pour nous rappeler qu’elle est multiple, diffractée, mouvante et qu’elle n’appartient à personne. On sort de là interpellé, galvanisé et plus confiant dans l’avenir de notre société.

Par Marie Plantin

Désobéir

Du 13 novembre au 8 décembre 2018
Au Théâtre de la Cité Internationale
17 Boulevard Jourdan
75014 Paris

Du 13 au 21 décembre 2018
Au Théâtre de la Commune
2 Rue Edouard Poisson
93300 Aubervilliers

Du 9 au 19 mai 2019
Au Théâtre Paris Villette
211 Avenue Jean Jaurès
75019 Paris
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