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Bain de mousse et de poésie

C’est une expérience d’une poésie infinie qui attend enfants et parents avec ce spectacle jeune public d’une délicatesse rare, accessible aux tous petits dès 2 ans. "Le Petit Bain" est une création du Théâtre de Romette et c'est un appel à la rêverie pour tous.

On pense à Gaston Bachelard et son œuvre philosophique autour de l’imagination de la matière, à la vue de ce spectacle tout de mousse vêtu, imaginé par le metteur en scène Johanny Bert. Le plateau y est investi tout autant par son interprète, le danseur Samuel Watts, en alternance avec Rémy Bénard, que par son élément principal, une montagne de mousse, partenaire imprévisible et pourtant domptable, tantôt compact, tantôt volatile, propice au jeu autant qu’à la rêverie.

Au commencement du spectacle, il y a la mousse. Décor immobile, contenu et enfermé entre quatre clôtures ajourées façonnant un cube. Puis un jeune homme entre en scène, depuis le public, il monte sur le plateau, comme venu de nulle part, avec son grand manteau et son sac à dos. Une sorte de clochard céleste rimbaldien au regard doux et angélique, qui commence à s’inventer un compagnon oiseau d’une poignée de mousse qu’il dépose tendrement sur son épaule. Et voilà que l’homme danse et que l’oiseau l’accompagne dans ses mouvements. Et voilà comme l’imaginaire nous cueille et nous fait traverser l’horizon du réel. C’est alors que l’homme ouvre la cage, la métaphore se file mais c’est dans un autre monde que nous pénétrons, celui où tout est possible. Il fend la mousse comme on fend les flots, se fait mousse justement, ou capitaine d’un navire, tente un pied dans l’eau trop froide, se réchauffe à un soleil tracé à la pointe de son doigt, la mousse devenant alors peinture blanche sur fond noir. Puis de l’océan on navigue vers le Pôle et sa banquise, la mousse devient neige et notre voyageur immobile grelotte au fond d’une grotte. Puis c’est un nuage qui flotte, une pluie de confettis, un chapeau, une paire de jumelles. "Le Petit Bain" est une épopée. Une épopée minuscule entraînée par un imaginaire galopant qui traverse la matière pour mieux voyager.

Le danseur se meut avec une grâce enfantine un rien mélancolique, dans cet élément qui touche tout à la fois au quotidien du bain et à la rêverie illimitée. Surface de projection infinie, la mousse est en métamorphose perpétuelle, le moindre souffle la fait trembler, elle passe de la densité à l’effritement, fragile et multiple, elle se transforme au gré de l’imagination qui la fait décoller de son statut premier. On en suit les évolutions avec fascination. Elle est à la fois le paysage dans lequel évolue le personnage, son partenaire de scène, son liquide amniotique. Ainsi "Le Petit Bain" touche autant aux rives de la danse, du mime que du théâtre d’objet. L’objet en question étant tangible tout autant qu’insaisissable, liquide et aérien, masse compacte et flocons épars. La bande son musicale ajoute à la subtilité de l’ensemble, on passe des volutes au saxophone de Colin Stetson aux partitions baroques de Carl Friedrich Abel et c’est un régal. Sans parler du final qui est pure merveille.

Les enfants sont happés, les parents aussi. Rarement le théâtre jeune public n’aura touché des cordes aussi sensibles, universelles et intergénérationnelles. Une pépite.

Par Marie Plantin


Le Petit Bain

Le 6 octobre 2018
Au Théâtre des Sablons

Le 20 octobre 2018
A la Piscine

Le 5 décembre 2018
Au Théâtre de Saint Quentin en Yvelines

Le 22 mai 2019
A l'Espace André Malraux

Le 29 mai 2019
A L'Avant-Seine - Théâtre de Colombes
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