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Avec Aeterna, le Théâtre du Mouvement explore la filiation et le cycle de la vie
Le Théâtre du Mouvement explore la filiation, la maternité, la transmission, dans sa dernière création, "Aeterna", un spectacle tout en finesse qui se passe des mots pour mieux exprimer l'universel et le particulier.
"Aeterna". Il flotte un air d'éternité dans ce titre et dans ce spectacle sans parole engendré par Claire Heggen, fondatrice émérite du Théâtre du Mouvement, en tandem avec la jeune Elsa Marquet Lienhart qui l'accompagne sur scène en un duo intergénérationnel sensible et émouvant.
Au début il y a la mère et la fille, l'une et l'autre et entre les deux leur relation. Leur lien. Fusion, possessivité, complicité, dépendance et indépendance, les deux femmes explorent les entrailles de ce lien fondamental, fondateur, fait de mailles plus ou moins tendues, d'une toile qui est leur cocon. L'une a donné la vie à l'autre mais l'autre est désormais une jeune femme, une adulte en devenir qui tend à couper le cordon, à prendre son envol, qui découvre sa sensualité, son propre corps. Sur un plateau presque nu, encerclé de copeaux de bois aux tons ocre de l'automne (auxquels s'accorde la couleur des costumes en harmonie), la mère et la fille entrent dans la danse, avec un fil ou une flûte, explorent par le mouvement la complexité et les contradictions de ce lien. Maternel d'un côté, filial de l'autre. Car c'est là l'enjeu du Théâtre du Mouvement, travailler sur le corps comme source d'expressivité, porteur d'une écriture dans l'espace qui lui est propre.
Le spectacle bascule avec la grossesse puis l'accouchement de la fille qui devient mère à son tour. Le ventre de la fille est aussi plein et rond que le monde. Symbolique de la matrice, du cycle infini des naissances. L'enfant qui s'en extrait est figuré par une marionnette manipulée par les deux femmes, un nouvel être qui entre dans la danse à son tour. Trois générations sont ainsi représentées jusqu'à ce que la mère meurt. La fille pleure. Mais le temps n'est pas arrêté, il suit son fil, fertile, il contient en lui-même le mystère de la vie et de la mort, de l'éternel recommencement.
Ce spectacle est d'une douceur exquise, c'est un théâtre de simplicité, qui puise sa richesse dans sa sobriété, qui sait être grave et drôle, esquisser plutôt qu'expliciter, évoquer plutôt que raconter. Une fable où s'invitent masques de comedia et marionnette, musique en direct mais aussi et surtout des corps en pleine possession de leurs moyens, ancrés, déployés, entiers, en complicité. Claire Heggen et Elsa Marquet Lienhart incarnent dans ce geste commun la transmission qui est au cœur même de leur création.
Par Marie Plantin
Aeterna
Du 18 au 20 janvier 2018
Au Théâtre Berthelot
6 Rue Marcelin Berthelot
93100 Montreuil